I-1. Définition du concept de remédiation

Le terme remédiation4 désigne un processus complexe dont la finalité est de pallier ou mieux, d'éradiquer les difficultés d'apprentissage. Il dérive du verbe remédier qui, selon le petit robert (2000), signifie«apporter un remède à..., atténuer ou supprimer les effets néfastes de...». Il s'agit, en d'autres termes de« construire, à la lumière des lacunes identifiées et dont on a dégagé les causes et les sources, un dispositif d'intervention qui permet de combler ces lacunes.»

Pour éviter, comme c'est le cas avec le terme «diagnostic», de médicaliser le concept en donnant l'impression que les apprenant(e)s en difficulté d'apprentissage sont des malades, certains auteurs, comme Des chaux, (2003) préfèrent user du terme « remédiation » du fait qu'il s'agit d'utiliser, pour les apprentissages qui posent problème, des stratégies, des méthodes, des techniques et des moyens autres que ceux qui ont « conduit à l'émergence de la difficulté ». Remédier, c'est donc, « intervenir en proposant une seconde « médiation » (ibidem.).

C'est un concept « ... qui, dans le domaine des sciences de l'action, est synonyme d'action corrective ou mieux, de régulation. En pédagogie, la remédiation est un dispositif plus ou moins formel qui consiste à fournir à l'apprenant de nouvelles activités d'apprentissage pour lui permettre de combler les lacunes diagnostiquées lors d'une évaluation formative. On a recours pour cela à différentes propositions pédagogiques, qui pour être efficaces, doivent être sensiblement différentes des méthodes utilisées lors de la phase d'enseignement ... ». (Raynal et Rieunier, 1998)

La remédiation est, à cet effet, un ensemble d'actions correctives intégrées au processus d'enseignement et d'apprentissage consistant à aider l'apprenant(e) à surmonter des difficultés qui, négligées, compromettraient la maîtrise des compétences visées. Elle permet d'éviter à l'apprenant(e) d'accumuler les difficultés qui provoqueraient le décrochage scolaire et l'échec scolaire.

I-2. Fondements théoriques de la remédiation

Elle trouve ses fondements théoriques dans le constructivisme qui a pris son essor en réaction au behaviorisme. Ce courant a beaucoup été influencé par la psychologie cognitive et les théories de Piaget et de Vygotsky sur le développement de l'intelligence et les processus traitement de l'information.

En effet, pendant longtemps, les behavioristes ne se sont intéressés qu'au comportement observable de l'apprenant(e), guettant, pour le sanctionner, l'écart entre ce comportement et celui dit attendu. Métaphoriquement, le behaviorisme se contente de constater et de sanctionner le crash sans prendre la peine d'interroger la boite noire de l'avion. La psychologie cognitive en revanche ne fait pas de l'étude du comportement une fin, mais un moyen à partir duquel on peut inférer tout le processus mental qui sous-tend et éclaire ce comportement. Aussi, la remédiation s'intéresse-t-elle souvent plus au cheminement cognitif de l'apprenant(e) qu'à sa performance. Elle tient plus au structurel qu'au conjoncturel. En cela elle est différente :

  • du rattrapage qui cherche à combler un retard scolaire constaté chez un apprenant(e) ;

  • du soutien scolaire qui consiste à accompagner des apprenant(e)s qui manifestent des difficultés pour assimiler des contenus d'apprentissage ou maîtriser une ou des compétences.

I-3. Statut de l'erreur dans la pédagogie de la réussite

La pédagogie de la réussite, dont la remédiation est un levier essentiel, confère à l'erreur toutes ses vertus pédagogiques. Elle n'est ni faute, ni péché ou crime qui « [doivent] nécessairement être sanctionné pour disparaître ». Elle est plutôt révélatrice d'une certaine représentation que l'apprenant(e) a de l'objet de son apprentissage. En d'autres termes, l'erreur doit être pour l'enseignant ce que les symptômes sont pour le médecin. Aussi, en remédiation, faut-il éviter des appréciations du type : faux, incorrect, inexact, etc.

L'appréciation d'une erreur qui ne s'appuie que sur le critère de performance réalisée n'offre aucune garantie pour l'identification de sa nature et de ses sources. En effet, « pas plus qu'une mauvaise réponse, une bonne réponse ne peut signifier que le raisonnement mis en jeu est celui attendu, ou que l'élève a compris la démarche mise en œuvre ». Ce qui fait dire à Perrenoud5 que « l'enseignant doit se détacher de la correction des erreurs pour s'intéresser à ce qu'elles disent...».

Par conséquent, l'analyse de l'erreur ne doit pas être envisagée du seul point de vue des apprenant(e)s car dans les dispositifs qui leur sont proposés, il y a parfois, hélas, des erreurs embarquées. C'est-à-dire que les questions posées et les épreuves comportent souvent les équivoques, incohérences et défauts qui faussent le jeu dès le départ. L'analyse des erreurs requiert de la part du professeur une grande humilité et un regard circulaire parce que ses déterminants peuvent être multiples et variées.

I-4. Remédiation immédiate (RI) vs remédiation différée (RD)

Il existe deux types de remédiation (Dehon et Derobertmasure, 2008) :

  • La remédiation immédiate, est entièrement intégrée à la séquence d'enseignement/apprentissage. C'est un processus de régulation « intégrant l'ensemble des opérations méta cognitives du sujet et de ses interactions avec l'environnement qui infléchissent ses processus d'apprentissage dans le sens d'un objectif défini de maîtrise » (Perrenoud cité par Deaudelin et al, 2007). Cette régulation peut alors prendre trois formes : proactive (en début d'apprentissage), interactive (en cours de séquence) et rétroactive (en fin de séquence) (Allal in Perrenoud, 1998).

  • « La remédiation différée consiste en un traitement portant sur des difficultés parfois « lourdes » et qui peut être confié soit à un maître spécialisé, en dehors de la classe, soit à d'autres personnels, comme dans le cas de la dyslexie ou d'importants retards scolaires. Parfois, une forme moins radicale implique l'enseignant, mais celui-ci propose alors des activités particulières ou adaptées organisées à des moments distincts, hors du cheminement de la séquence d'apprentissage, y compris, par exemple, sous la forme de travaux à domicile... ».

I-5. Description des caractéristiques et modalités de la RI et de la RD

Tableau 2. Caractéristiques et modalités de la RI et de la RD

Remédiation immédiate

remédiation différée

la RI est pleinement intégrée à la séquence d'enseignement/ apprentissage et éviter toute stigmatisation due à une mise a l’écart de l'apprenant

la RD est proposée dehors de la séquence d'enseignement/apprentissage

la RI est menée par l'enseignement qui connaît l’élève et le contexte dans lequel t apparue la difficulté. l’élève reste dans le groupe-classe, sauf par exemple en cas d'utilisation d'outils d'informatique disponibles dans un local différent, mais sous la supervision du titulaire

la RD peut être menée soit par l’enseignant soit par le maître spécialisé ( professeur de remédiation)

la RI est une réponse directe à une difficulté de l’élève

la RD peut être prévue à "horaire fixe " et être d'une durée systématique

la RI porte sur des difficultés pouvant être rapidement résolues et qui ne nécessite pas un traitement spécialisé

la RD peut prendre en charge les problèmes antérieurs de l'enfant qui se seraient installer depuis longtemps ( ex : les fraction de la résolution d’équation ) ou porter sur des problèmes liés à des troubles de l'apprentissage ( ex :la dyslexie )

En tout état de cause, le professeur peut, s'il estime que la lacune détectée chez l'apprenant(e) au cours de la séquence n'est pas de nature à compromettre l'atteinte de l'objectif visé, choisir de différer la remédiation en le rassurant par ces mots : « Très bien ! Tu as compris maintenant. Il y a juste un tout petit problème que nous réglerons ensemble ultérieurement» !